Patrimoine sacré de Saint-Connan (église, chapelle, croix, fontaines) / Glad sakr Sant-Konan (iliz, chapel, kroazioù, feunteunioù)
Cet article propose une simple promenade dans le bourg et la campagne de Saint-Connan. Voir la bibliographie en fin d’article pour les écrits de référence, principalement le livre l’Âme de l’Étang écrit par François Budet.
Une église qui ne manque pas d’intérêt, une chapelle et un mémorial marqués par l’histoire du maquis de Coatmalouen, des sculptures, des tableaux, sept croix de chemin, deux fontaines sacrées… Saint-Connan, modeste commune rurale du Kreiz-Breizh (Centre-Bretagne) possède un patrimoine religieux fort intéressant. L’histoire de cette ancienne paroisse, aujourd’hui relais paroissial de la paroisse Saint-Briac de Bourbriac, est intimement liée à celle de l’abbaye de Coatmalouen, actuellement située en Kerpert, et à celle du maquis rattaché à la forêt du même nom.
Quelques liens Internet pour mieux connaître Saint-Connan
Abbaye Notre-Dame de Coatmalouen — Wikipédia (wikipedia.org)
Abbaye de Coatmalouën (Kerpert) (free.fr)
Actualités – Site de abbayedecoatmalouen
Maquis de Coat-Mallouen — Wikipédia (wikipedia.org)
Maquis de Coat-Mallouen – Memoires de guerre
Coat-Mallouen, la forêt des maquisards (francetvinfo.fr)
saint-connan – photos patrimoine histoire – bretagneweb.com
Saint-Connan — Wikipédia (wikipedia.org)
Pôle de l’Etang Neuf (kreiz-breizh.fr)
L’Étang Neuf – Art – Musée – Pêche – Accueil (musee-etangneuf.fr)
Plan :
1 – L’église Saint-Corentin / Iliz Sant-Kaourantin
2 – La chapelle du Logou (ou Logo) / Chapel al Logoù.
3 – Les croix de Saint-Connan / Kroazioù Sant-Konan
4 – Les fontaines / Ar feunteunioù
1 – L’église Saint-Corentin / Iliz Sant-Kaourantin
Saint-Connan (22) : église Saint-Corentin
L’église de Saint-Connan est placée sous le patronage de saint Corentin, façon de rappeler l’appartenance de cette paroisse (aujourd’hui simple relais de la paroisse Saint-Briac de Bourbriac) à l’évêché de Quimper. À l’origine, elle était sans doute dédiée à saint Connan, compagnon de saint Cadoc au VIe siècle.
Elle date en grande partie du XIXe siècle, ayant été construite par Louis et Pierre Hervé, entrepreneurs de St-Gilles-Pligeaux, à partir de 1867. Les plans furent dressés par M. Angier. L’architecte a gardé quelques éléments plus anciens : le pignon midi de l’aile sud du transept et une partie de l’aile sud (XVIe s. d’après Couffon*), le chœur ainsi que l’aile nord étant du XVIIIe siècle. Les vitraux sont de l’atelier Rault (Rennes) et furent réalisés vers 1933. Ceux de l’abside représentent (de g. à d.) sainte Barbe, la Vierge à l’Enfant, saint Corentin. La présence de saint Corentin est due au fait que Saint-Connan est dans l’ancien évêché de Cornouaille, dont Quimper est le siège de l’évêque. Quant à sainte Barbe, elle était la patronne d’une chapelle, aujourd’hui disparue, à l’Étang-Neuf. Saint Corentin, premier évêque de Quimper selon la tradition, doit sa présence au fait que Saint-Connan se situe dans l’ancien évêché de Cornouaille.
Cette église est liée à l’histoire de l’abbaye de Coatmalouen (en breton Koad-Malouen). En effet, au XIIe s. Alain Le Noir, comte de Richmond et de Penthièvre, genre du duc de Bretagne appela des moines cisterciens de l’abbaye de Bégard à venir fonder le nouveau monastère, et leur donna le territoire actuel de Saint-Connan. Celui-ci à cette époque appartenait à la paroisse de Ploegeau (St-Gilles-Pligeaux) qui englobait également Kerpert. C’est dans cette dernière commune que se trouvent de nos jours les ruines de l’abbaye. La fondation de l’abbaye date du 27 juin 1142.
Quelques éléments remarquables à l’intérieur de l’église
Statues
Notre-Dame des Trois Ave
Dans l’église se trouve, juchée sur un tronc d’offrandes, une statue de Notre-Dame des Trois Ave… C’est plutôt rare dans notre région ! Il s’agit là d’une dévotion, initiée au XIIIe siècle par sainte Mechtilde. Il faut dite matin et soir trois ave Maria (ou Je vous salue, Marie / Me ho salud, Mari), le premier en l’honneur du Père, le second en l’honneur du Fils, le troisième en l’honneur du Saint Esprit, chaque fois en rapport avec un attribut de la Vierge Marie : Potentia (puissance), Sapientia (Sagesse), Misericordia (Miséricorde).
Cette pratique, très honorée dans la basilique de Blois notamment, a dû être importée à St-Connan par un prêtre ou un pèlerin attaché à cette dévotion.
Trois saints bretons : Corentin (Kaourintin), Guillaume (Gwilherm), Yves (Erwan)
Un vitrail lié aux coutumes locales
Vitrail dans l’aile gauche du transept de l’église : Évangélisation ; bénédiction des enfants à la chapelle du Logou, le jour du pardon. (Atelier Rault, 1933. Restauré par Raymond Budet). Inscription : En souvenir de M. Derrien, ancien recteur YM Lavenan maire 1933. Une note de l’abbé Loyer, vicaire de Bourbriac dans les années 1920, au sujet du pardon de la chapelle du Danouet en Bourbriac, mentionne cette « évangélisation des enfants », qui consistait à bénir chaque enfant, avec quelques mots d’encouragements dans la foi pour lui (ou elle) et ses parents. L’enfant était probablement mis sous la protection de la Vierge honorée en ce sanctuaire. Ce vitrail montre les mères en coiffes.
Saint-Connan (22) : église Saint-Corentin ; bénédiction des enfants à la chapelle du Logou
Tableaux
Pietà : tableau d’André Sallé (1891-1961), qui en 1942 voulut en faire don à la paroisse de Saint-Connan. Ce peintre vivait maritalement avec une femme du pays. Refusant un cadeau d’un agnostique vivant en concubinage, l’abbé Auguste Loriquer, recteur, accepta de célébrer le mariage du couple à la chapelle du Logou. Ensuite, le tableau fut reçu par la paroisse. C’est la propre sœur d’Estelle (épouse de Sallé) qui servit de modèle pour figurer la Vierge Marie, en manteau de deuil et portant la coiffe. Daté du 17 septembre 1950.En 2003, l’artiste-peintre Dany Lucas, neveu d’André Sallé, restaura le tableau qui se dégradait. Le jour du pardon de Notre-Dame du Logou, ce tableau est placé dans cette chapelle.
La Cène (d’après le tableau de Léonard de Vinci), huile de Joseph Perro, artiste local (1907-1966). En arrière-plan, paysages de Saint-Connan.
Les Disciples d’Emmaüs, toile de Joseph Perro. En arrière-plan, l’église de Saint-Connan et des maisons du bourg.
NB : Joseph Perro a également peint la toile intitulée Procession de la Fête-Dieu. Cette toile, don de la fille de l’artiste, se trouve à la mairie, non loin de l’église. On y voit la procession telle qu’elle avait lieu dans chaque paroisse autrefois : croix, bannières fièrement portées, enfants de chœur, prêtre revêtu de la grande chape dorée, portant l’Hostie dans l’ostensoir, et se déplaçant sous le dais doré porté par quatre hommes. La route est jonchée de fleurs. Comme l’écrit François Budet : « un témoignage précieux d’une époque …» On note que les costumes sont relativement modernes : nous sommes en 1948, le costume breton est de moins en moins porté.
Adoration des Bergers (XVIe siècle), restauré vers 1940 par le peintre briochin Émile Daubé, à la demande du recteur d’alors l’abbé Auguste Loriquer (Mab Sulon).
2 – La chapelle du Logou (ou Logo), sous le patronage de Notre-Dame des Sept Douleurs.
Saint-Connan (22) : chapelle du Logou
Statues des saints Philippe et Nicolas, provenant de l’Abbaye de Coatmalouen.
La chapelle du Logou (ou : Logo) se situe à quelques centaines de mètres de l’Étang-Neud, près du village de Locmaria. Elle date en partie du XVe siècle et fut restaurée en 1771. Couffon précise que sa partie ouest « remonte au XVIe siècle et la partie haute au XVIIIe siècle, ainsi que l’indique l’inscription : F.P. MAREC PROCUREUR 1771 ». Dédiée à Notre-Dame des Sept-Douleurs (pardon le 3e dimanche de septembre), elle dépendait de l’abbaye de Coatmalouen. Vitraux modernes de Christine Cocar (vers 2010). En juillet 1944, elle servit de cache d’armes aux résistants de Coatmalouen.
À proximité se trouvent une croix et la fontaine de la Vierge (voir plus bas).
Tableau : le Partage
Intitulée « Le Partage », cette grande toile du XIXe siècle, non signée, fut offerte au nom des maquisards par le commandant Robert en 2000. Elle représente l’épisode de la Multiplication des pains relaté dans les quatre évangiles.
Statues de la Vierge
La statue de la Vierge (assise) à l’Enfant qui est placée dans une niche du chevet est une œuvre en terre cuite peinte des ateliers Larrieu (Albi). Elle date de 1887.
La statue qui est portée en procession représente également la Vierge assise, tenant Jésus enfant sur ses genoux. Elle a remplacée celle qui, datant du XVIIe siècle, a été volée en 1979. L’actuelle fut offerte, après la Libération, par le commandant Jean Robert qui avait été le chef du maquis des Coatmalouen. Il voulait remercier la Vierge pour sa protection. C’est son ami rennais Victor Bigot qui a sculpté dans du bois de chêne cette réplique de l’ancienne statue.
Les vitraux de Christine Cocar dans la chapelle du Logou
Ils furent réalisés par l’artiste d’après un cahier des charges établi par le maire de Saint-Connan, Jean-Yves Philippe.
Vitrail du chevet du chœur
Encadrant le haut de la niche contenant la statue de N-D du Logou (Vierge à l’Enfant). « Tel un phénix issu des flammes, l’oiseau de l’espoir jaillit de l’Arche de Noé… » (François Budet). Un arc-en-ciel renvoie à l’Alliance, la Colombe évoque la vie, la paix. Une harmonie en signe d’Espérance.
Vitrail au sud du chœur
La cascade de Coatmalouen était au cœur du site du maquis, con PC. De son côté, la chapelle du Logou est sise sur une source. Tout un symbolisme de vie qui relie les moines aux maquisards.
Vitrail de la fenêtre sud de la nef (style Renaissance).
On y trouve notamment les symboles du feu (tantad du pardon, mais aussi celui des combats, en rouge), l’eau (en bleu) qui rappelle la proximité de l’Étang- Neuf, les bois (de Coatmalouen et de tout le bocage environnant, en vert). Les coquelicots évoquent les jeunes maquisards tués au combat « dans un champ de blé, à la lisière du bois ». (François Budet).
Vitrail de la fenêtre du côté nord
Représentation d’un moine avec son livre de prière, à moins qu’il ne s’agisse du livre contenant l’histoire du lieu
3 – Les croix de Saint-Connan (ordre alphabétique)
Certaines de ces croix portent des inscriptions que nous avons vérifiées et parfois rectifiées.
Croix du bourg
Cette croix simple est fichée dans un rocher non loin de l’église. Il semble qu’une date figure au pied de la hampe, mais elle est illisible car à moitié enfoncée dans le rocher. Elle présente des similitudes avec celle de Galbouan-d’en-Bas (1822).
Croix du cimetière
Cette croix, portant un Christ de granit, est due à l’atelier Hernot de Lannion. Son socle porte l’inscription latine O CRUX AVE (Salut ô Croix), et, en une phrase bretonne, le nom du recteur de l’époque l’abbé Derrien ; Date : 1905.
Inscription sur calvaire du cimetière St Connan
Croix de Coat ar Bellegez
Elle se trouve au carrefour de la D4 et d’une route menant au village de ce nom.
Inscription : « F(ait).F(aire).P(ar) dévotion par Filles de Rudulier, veuf de Françoise Belleguic – 1866 » Il est curieux de trouver le patronyme « Belleguic » (en breton « petit prêtre ») à proximité du village de Coat-ar-Belléguès (Koad-ar-Bellegez, « le bois de la prêtresse ».) dont le nom renvoie à une religion pré-chrétienne.
Croix de Coldabry
Située à gauche au bord de la route qui va de St-Connan à Quintin en longeant l’étang, un peu avant le village de Coldabry, cette croix non datée paraît ancienne. Émouvante au sommet de la colline, on dirait qu’elle est la gardienne, la bergère des champs et des labours. Autre nom : « Kroas ar Stibell », la Croix du Stivel. Il est intéressant de noter que l’on trouve ici ce mot « stibell », variante de « stivell » (fontaine jaillissante) qui renvoie à l’origine latine du mot : « stuba ». Cette forme ne semble pas pour l’instant avoir été recensée par les linguistes bretons.
Croix anciennement de Crénonen
À l’arrivée au bourg, sur la droite en venant par la D4, cette croix se trouve plantée dans un talus à l’entrée d’une maison particulière. Elle est répertoriée comme étant la croix de Crénonen, village où elle se trouvait primitivement. Nous n’avons pas pu en vérifier la date de 1782 dans divers documents (1782).
Croix de Galbouan-d’en-Bas
Également fichée solidement dans un rocher, à l’instar d’une croix du bourg qui lui ressemble, la croix du village de Galbouan-d’en-Bas est située sur la gauche, légèrement à l’écart de la route qui mène à l’Étang-Neuf. Elle porte la date de 1822.
Croix du Logou
Située sur le côté droit de la route d’accès à la chapelle de ce nom (en venant de la route Guingamp-Corlay), elle porte une inscription qui permet d’en connaître le commanditaire : J-M Le Hégaret et son épouse, ainsi que la date de 1900. À l’origine, elle comportait un Christ (probablement en métal).
Le monument (stèle) en mémoire des maquisards de Coatmalouen (1945)
Cette stèle se trouve à gauche de la route allant de l’Étang-Neuf à Plésidy, à quelques centaines de mètres de l’Étang Neuf.
Ce n’est pas un monument religieux à proprement parler, même s’il arbore une Croix de Lorraine, emblème de différents mouvements de la Résistance. Entretenir la mémoire des personnes qui, parfois au prix de leur vie, s’engagèrent dans la défense de notre liberté, de notre pays, est un véritable acte de piété au sens de « sentiment respectueux » de leur mémoire. Chaque année depuis la Libération, le 27 juillet ou le samedi le plus proche une messe est dite en ce lieu en présence d’un grand nombre de personnes soucieuses de transmettre les valeurs du patriotisme. Une cérémonie commémorative a lieu en présence d’un public nombreux et concerné par la mémoire de la Résistance. C’est le 27 juillet 1944 que les Allemands attaquèrent le maquis de Plésidy-Saint-Connan, faisant 13 morts parmi les maquisards.
4) Les fontaines / ar feunteunioù
La fontaine Saint-Corentin / Feunteun Sant-Kaourantin
Accolée à un lavoir, la fontaine date au moins du XVIIIe siècle ; elle fut restaurée en 1890 comme en atteste la date gravée sous la figure du saint. En tant que source d’eau potable, elle a dû servir depuis des temps anciens.
La niche de saint Corentin, dans le mur de la fontaine du saint à l’entrée du bourg, était vide depuis des années. La statue que l’on voit sur des photos anciennes n’avait plus de tête. Bien qu’elle fût en terre cuite, c’est une tête en bois qui est venue la compléter, grâce au talent du sculpteur local Roland Monier.
Fontaine Notre-Dame du Logou
La fontaine de la Vierge est située à 200 mètres plus bas dans les prairies.
Remerciements / Trugarekadennoù
Merci à Jean-Yves Philippe, maire, et à au général François Budet qui connaissent à fond l’histoire et le patrimoine (petite et grande) de Saint-Connan.
Il existe une Association de la Chapelle du Logou, qui fédère les actions de sauvegarde de la chapelle et tut ce qui en concerne l’animation. (Adresse : 28, l’Étang-Neuf – 22 480 – Saint-Connan). Association type 1901.
Bibliographie / Levrlennadurezh
Edmond Rebillé : l’Argoat secret autour de Guingamp – 1989
François Budet : l’Âme de l’étang (Histoire, Arts, Nature à l’Étang-Neuf). 2009. Une mine de renseignements et de documents, à laquelle cet article doit beaucoup.
Régis de Saint-Jouan : Dictionnaire des Communes (Département des Côtes-d’Armor). Conseil Général des Côtes-d’Armor – 1990;
Éditions Flohic : Le Patrimoine des Communes des Côtes d’Armor – Tome II – 1998
*René Couffon : Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier – Saint-Brieuc, Les Presses Bretonnes – 1939-1941.
Texte et photos : Jef Philippe