Trouver mon horaire de messe : Voir les horaires

L’abbé Armand Le Calvez, de Quemper-Guézennec, un érudit et un précurseur

Un certain nombre d’entre nous ont connu l’abbé Armand Le Calvez (Armañs Ar C’halvez), de Quemper-Guézennec (29 août 2021-4 février 1972). Certains l’ont même côtoyé dans sa vie de prêtre ou de militant breton. Son compatriote Jean-Claude Thomas lui rend ici hommage. Nous reprenons l’article publié dans Vivre en Église / Bevan en Iliz, n° 39 (été 2022), notre bulletin inter paroissial. Merci à Kuzul Ar Brezhoneg qui nous a fourni les photos  de l’abbé.

 

L’abbé Le Calvez devant l’école primaire bretonnante Skol Sant-Erwan à Plouézec

Armand Le Calvez est né dans la paroisse de Quemper-Guézennec le 29 août 1921. Ses parents étaient fermiers sur le domaine de Kerlouet, lieu célèbre étant aussi le lieu de naissance d’un autre illustre quemperrois Paul Antoine Fleuriot de Langle, commandant de l’Astrolabe dans la fameuse et tragique expédition Lapérouse.

Ses parents Joseph Le Calvez et Françoise Le Cain eurent quatre enfants, l’aîné étant Armand. La maman décède en 1935. Armand n’a que quatorze ans. La famille quitte Kerlouet pour s’établir dans une autre ferme sur la route d’Yvias : Pont-C’hazh. Études primaires à Quemper, puis le collège St-Joseph de Lannion où il devient bachelier. A 18 ans il poursuit ses études au petit séminaire de Quintin puis au grand séminaire de St-Brieuc puisque son choix est déterminé : il sera prêtre, ordonné en mars 1945.

En recherche permanente de sa bretonnitude, il côtoie les historiens bretons de l’époque, le chanoine Le Floch et le chanoine Bourdellès, il leur restera fidèle.

Il est nommé curé de Plouézec en 1950 et  y restera 13 ans, mais sa grande détermination est son amour pour sa langue natale : le breton. Parler en breton surtout avec des érudits, lire des livres sur les origines bretonnes…

Il reste fidèle à son village natal où l’abbé Le Clerc (vicaire de l’Abbé Lech’vien) lui fait découvrir un pays également celtique : la Cambrie ou Pays de Galles. Ils y feront ensemble de nombreux voyages pour étudier le cas unique de ces Gallois qui étudient en même temps à l’école l’anglais et le gallois. Approfondissant cet exemple il écrit une thèse : « Un cas de bilinguisme, le pays de Galles, » dont l’original se trouve à la bibliothèque « Trinity College » à Dublin.

Une obsession alors naît chez Armand : «  Comment un pays réussit  à enseigner deux langues comme au pays de Galles? Comment transposer cela en Bretagne : faire cohabiter le français et le breton ? Le 27 mars 1956 il rencontre l’évêque de St-Brieuc, Mgr Serrand, qui semble favorable à son projet. Après mûre réflexion, en novembre 1957, il ouvre une école à Plouézec pour l’apprentissage de la langue bretonne. Elle prend le nom de « Skol Sant-Erwan ».

IL va trouver une institutrice hors pair en la personne de Mme Galbrun qui quitte Paris à la mort de son époux pour aider Armand. Il était difficile de trouver des instituteurs compétents, trouver des livres, persuader les parents, quitter le public pour le privé. Il crée une association bretonne d’éducation nouvelle, avec une revue trimestrielle de pédagogie et édite deux livres « Hervé ha Nora » et « Wanig ha Wenig » pour apprendre le breton moderne. Il se met en relation avec l’abbaye de Boquen en la personne de Dom Alexis afin de constituer une bibliothèque en faisant de Boquen un « centre breton ». Dom Alexis lui écrit : « Je connais votre œuvre si méritoire et je la suis avec le plus grand intérêt ! Vous faites là un excellent travail dont on saura gré plus tard… Merci cher M. l’abbé comptez sur les prières de Boquen. »

En 1962, « Skol Sant Erwann » sera malheureusement obligée de fermer. L’abbé dut renoncer à son entreprise à la suite des nouvelles lois qui réglaient les rapports des écoles privées et de l’État : à partir de cette date, ces lois ne lui laissaient plus la liberté de choisir son programme d’enseignement celtique. « Skol Sant Erwan » ferme ses portes. L’abbé Calvez est nommé aumônier de l’Institution St-Joseph à Lannion. De santé fragile, la maladie le rattrape. Un dimanche en célébrant la messe il a un malaise. Hospitalisé il appelle l’abbé Charles Le Meur curé de Lannion à son chevet : « Je t’attendais Charles pour te dire au revoir… je vais mourir. Voilà comment est la vie, courte mais rassure-toi je vais voir le bon Dieu et la Vierge Marie et puis mon père et ma mère et avant ce dernier voyage je veux que tu chantes avec moi : « Hor mamm dener, roit zikour, O Itron Varia Gelou mad, pedet evit ho bugale ». (Ô tendre Mère, secourez-moi, Ô  N.D. de Bonne Nouvelle, priez pour vos enfants.) Il est transporté de Lannion à Pontchaillou où il décède le 4 février 1972 à 50 ans. Lors de ses obsèques, l’église de Quemper n’est pas assez grande pour contenir les 3000 personnes qui ont tenu à lui rendre un dernier hommage.

Sur sa tombe celtique dans le cimetière de Quemper, une phrase dans les deux langues galloise et bretonne  porte cette inscription « “Karet a reas Doue, E Vro, Hag e bobl”…(Il aima Dieu, son pays et son peuple).

Il fut le précurseur en Bretagne des écoles où le breton s’enseigne par immersion… À partir de 1975 plusieurs ont suivi ses traces : Diwan, (privée non confessionnelle), Div Yezh (bilingue publique), Dihun (bilingue catholique) représentant au total environ 20.000 élèves actuellement.

Jean-Claude Thomas

                                                                                     Thèse de doctorat de l’abbé Le Calvez

 

Défilement vers le haut