Journées du Patrimoine 2022 : à Pabu, le château de Munehorre, sa chapelle et son calvaire

Ce week-end des 17-18 septembre 2022 était voué aux Journées Européennes du Patrimoine. C’est chaque année l’occasion pour un vaste public de découvrir châteaux, monuments divers, chapelles, églises… des œuvres parfois célèbres, souvent cachées. Des propriétés privées, habituellement inaccessibles, s’ouvrent pour quelques heures au public : ce sont les belles heures du tourisme de proximité, dans la gratuité.
À Pabu, le château de Munehorre
Façade et cour du château de Munehorre en Pabu (22)
La commune de Pabu, comme d’autres, a tout mis en œuvre pour accueillir les visiteurs, notamment grâce à l’implication d’élus qui ont pour la circonstance joué le rôle de guides.
Le château de Munehorre (nom breton anciennement écrit menehorre, de mene(z), colline, et (g)orre, le dessus, ou, plus probablement l’est : « colline située à l’est » de Guingamp) a été amplement visité, les commentaires étant assurés par Anthony Simon, conseiller délégué notamment au patrimoine.
Outre le château dont on a admiré la belle façade, la tourelle et les dépendances en cours de restauration, on a pu visiter la chapelle Saint-Séverin, jadis édifiée au village du même nom puis transférée près du château.
Munehorre en Pabu (22) : chapelle Saint-Séverin
Belle surprise : la découverte d’un très beau calvaire.
Calvaire du parc de Munehorre en Pabu (22), avec son fût écoté
Avec son fût élancé, celui-ci garde une fière allure, malgré des détériorations anciennes. « Écoté » signifie que des éléments saillants ont été sculptés dans la pierre, tout au long du fût. À l’origine, ces écots figuraient les bubons de la peste, ou encore les les restes des branches d’arbre après leur émondement. Dans ce cas le calvaire symbolise l’arbre de vie. À l’origine, ce calvaire se situait en Saint-Clet, commune natale de l’homme dont le nom figure, avec celui de son épouse, sur une face du socle.
On y lit en effet l’inscription en relief : FAIT FAIRE PAR JEAN LE GARSMEUR ET JEANNE LE BAIL. Le couple s’était marié à Pommerit-Le-Vicomte le 11 novembre 1800. Jean était né à Saint-Clet le 20 novembre 1776. Leur fille Marie, née le 19 juillet 1806 à Saint-Clet a épousé Pierre Le Jemble le 27 juin 1831 à Saint-Clet. De leur union naîtra Pierre Le Jemble le 28 juillet 1832 à Guingamp. Celui-ci va épouser Caroline Le Huérou à Plouëc-du-Trieux le 4 juin 1864 et acquérir le château de Munehorre en juillet 1872. Caroline, devenue veuve, décèdera au château le 23 janvier 1908.
Inscription (et son descriptif ; dans la pierre, les lettres N sont à l’envers)
« Il est donc possible que le couple [Garsmeur] ait fait réaliser tout ou partie de ce calvaire, que leur petit-fils Pierre a fait transporter dans le parc de Munehorre après avoir acquis la propriété. Le couple a eu un fils, Pierre Le Jemble, né à Guingamp en 1832, mais on perd ensuite sa trace. » (D’après les notes de M. Anthony Simon).
Descriptif du calvaire
Quelques visiteurs (Journées Européennes du patrimoine – 2022)
Posé sur un soubassement de pierres maçonnées, le calvaire comprend une croix élancée, avec un Christ en croix dans la partie sommitale.
Christ en croix
Au verso de cette croix, nous l’avons écrit, se trouve une Vierge agenouillée, sous laquelle est gravée en relief la date de 1813. Vierge Marie… ou femme de chez nous en prière ? Elle tient en effet un chapelet à la main.
Femme en prière (Marie ?) et date : 1813
Sous le Christ, une sculpture représentant saint Antoine le Grand (ne pas confondre avec Antoine de Padoue), vêtu d’une bure à capuche, un bourdon à la main. À ses pieds on remarque son attribut : le cochon. Saint Antoine, ermite égyptien ayant vécu au IIIe siècle, est invoqué comme protecteur des animaux domestiques ; plusieurs légendes établissent un lien entre l’ermite et le cochon. On l’appelle encore Antoine du Désert, ou Antoine l’Anachorète, ou encore saint Antoine du Feu. Sa vie a été rapportée par son ami saint Athanase. Protecteur des animaux, donc, sa popularité était grande dans le monde rural et il n’est pas rare de le voir représenté dans les églises.
Saint Antoine Le Grand
Au pied du fût de la croix se trouve une belle pietà : la Mère de Jésus recueille sur ses genoux son Fils que l’on vient de détacher de sa croix. Cet ensemble a souffert et, brisé en plusieurs endroits, il a été reconstitué tant bien que mal. Cette pietà me semble ancienne et a peut-être été ajoutée au calvaire, du moins n’est-elle pas collée au fût de la croix.
Calvaire de Munehorre : la pietà
L’ensemble repose sur un socle qui ne manque pas d’intérêt. D’abord, en plus des inscriptions mentionnées, il porte ce qui reste d’un cadran solaire : le soleil est figuré par un cercle et des rayons. Au centre, un trou qui probablement recevait le style, petite barre métallique dont l’ombre indiquait les heures. Actuellement, privé de ce style, le soleil semble servir d’assise à la croix, tel un symbole de lumière associé au Christ.
Ensuite, chaque coin de ce socle porte une sculpture dont l’identification est rendue difficile, voire impossible à cause de l’érosion subie par le granit à gros grain par ailleurs couvert de lichens. Nous avons cependant cru identifier saint Pierre et saint Paul.
Un des saints sculptés dans un coin du socle
Conclusion
Pour qui s’intéresse aux croix et calvaires, celui de Munehorre apparaît comme très intéressant, en partie à cause de la part de mystère voilant son origine. Ce que l’on sait : le couple Le Garsmeur y a inscrit son nom en 1813, pour une raison inconnue. Il se peut que le calvaire soit plus ancien que cette date ne l’indique. Cependant, c’était un calvaire privé, et un descendant des Le Garsmeur, Pierre Le Jemble, l’a transporté à Munehorre dont il avait acquis la propriété. D’un propriétaire à l’autre, il a gardé sa place dans le parc du château, dont il enrichit le patrimoine et celui de Pabu. Un témoignage de fidélité dans la foi…
Jef Philippe