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Pèlerinage – Témoignage de Pierre :  le « Camino  Francès » de Roncevaux à Compostelle (12 – 23 Septembre 2022)

            «  Arrivé, je repars… Va, pèlerin, poursuis ton chemin, que rien ne t’arrête. »

Sur les hauteurs de la Sierra del Pedron : des sculptures métalliques représentant différents modes de locomotion des pèlerins.

Une deuxième expérience

En 2021, j’avais effectué le  Camino Podiensis  du Puy en Velay à Roncevaux. En 2019, j’avais fait le Camino Francès de Roncevaux à Compostelle. Cette année, 3 ans après, j’ai refait ce même Pèlerinage avec le même intérêt, la même ferveur, les mêmes intentions, toujours sous  la conduite aussi  compétente, aussi précieuse, aussi spirituelle de Michel Blanchard secondé par Maryvonne et Christian. Je n’évoque pas les motivations qui m’ont amené à refaire ce même cheminement.

Je m’étais exprimé à ce sujet dans les numéros 11 (Janvier 2020) et 12 (Février2020) de « Vivre en Eglise / Bevañ en  Iliz). Ce sont les mêmes. Je voudrais davantage aborder quelques moments forts qui m’ont marqué cette année.

Départ : Roncevaux

Le groupe au départ dans la collégiale de Roncevaux devant la statue de Saint Jacques.

Tout d’abord, le point de départ du Camino de la Collégiale  Royale de Roncevaux en  Navarre en  Espagne . Cette collégiale a été fondée au 12e siècle, dans un vallon à proximité du site de la bataille de Roncevaux perdue en 778 contre les Vascons (les Basques) par Roland, le célèbre neveu de Charlemagne. Roland sonnant du cor, de l’olifant… sa célèbre épée  Durandal… du moins s’il faut croire la légende ! Elle a constitué dès le début une étape importante du  pèlerinage vers Saint Jacques. Bien d’autres  Chemins mènent vers le tombeau de l’Apôtre. Mais celui-ci  est emblématique. C’est le point de départ de notre groupe. Il nous reste exactement 790 kilomètres à parcourir ! Nous nous sommes recueillis dans la collégiale. Nous avons fait une prière devant la statue de Saint Jacques qui, majestueux, trône  en protecteur. Nous avons fait tamponner notre créanciale ou notre crédential.  Nous voilà partis.

Nous n’avons  pas, bien sûr, parcouru toute la distance à pied. Mais la logistique si bien au  point, si bien rôdée par Michel nous a tout de même amenés à marcher plus de200 kilomètres en 9 jours, durée de notre pèlerinage. À cela, il  faut ajouter un jour pour l’aller de Saint-Brieuc à Saint-Jean-Pied- de-Port, et deux jours pour le retour en longeant  la Côte galicienne, asturienne, cantabrique, en passant une nuit à Bayonne à la Maison diocésaine avant de  prendre la direction de  Saint-Brieuc.

Par monts et par vaux

Le premier jour de notre marche, j’ai apprécié la montée à pied de la Sierra del Pedron, un massif prépyrénéen dans la Navare, et la visite de l’église à Eunate, petite merveille  de construction octogonale très originale sur le modèle du Saint Sépulcre de Jérusalem. Beaucoup de ressemblances avec le temple de Lanleff. J’ai aussi apprécié la visite de Puenta La Reina et de son fameux pont, haut lieu de convergence  des Chemins venant de France, de l’Aragon, du Sud de l’Espagne. Notre parcours se poursuit ensuite à travers les vignobles de la Rioja vignobles qui ont été développés au siècle dernier par l’arrivée de vignerons bordelais.  Après notre randonnée, le car nous a conduits à Burgos. Nous avons  bien  sûr visité la célèbre Santa Maria une des plus belles cathédrales d’Europe, chef- d’œuvre de l’art gothique que Philippe II, Roi d’Espagne, a décrit naguère comme « l’œuvre des anges ». Au centre de la nef se trouve l’incontournable  tombeau du Cid et de sa chère Chimène… El  Cid Campeador, chevalier chrétien, héros de la Reconquista … Le monologue de Don Diègue… Les stances du Cid dans la pièce de Corneille…
Le lendemain, nous  avons traversé la Meseta espagnole, haut plateau central de la péninsule ibérique entouré de montagnes. Nous avons aussi fait un arrêt à Shahagun pour une visite extérieure du « Cluny » espagnol, vestige  du  grand monastère du Moyen-Âge .  Notre camino a emprunté un autre jour l’ancienne voie romaine à travers une plaine immense sans arbre, sans ombre. Nous marchions à perte de vue… Ensuite, sur notre parcours, nous avons fait une halte pour visiter la merveilleuse cathédrale gothique de Leon et ses innombrables vitraux exceptionnels : 737 sur une surface de 1765 mètres carrés, réalisés de manière continue entre le XIIIe et le XXe siècle .

Hôtel de ville d’Astorga.

 

Un détour en car par Astorga,  autre ville du Leon  nous a très intéressés. La visite de cette localité, de son Hôtel de Ville, de sa cathédrale, de son palais épiscopal construit par  Gaudi, célèbre architecte catalan de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, nous a beaucoup plu. Un monument érigé sur la  place centrale évoque la lutte implacable des Espagnols contre les troupes d’occupation française à l’époque de Napoléon : le Lion terrasse l’Aigle napoléonien. C’est tout dire ! Une curiosité encore dans cette ville : entre le palais et la cathédrale,  dans une ancienne bâtisse religieuse il y a une prison sans porte. C’est là qu’au Moyen Age et peut- être plus tard, étaient emmurées à vie, volontairement  ou de force des filles « qui avaient fauté ». La minuscule pièce s’ouvrait sur la rue par une  petite ouverture solidement quadrillée de barres de fer. C’est par cet orifice que les pèlerins  pouvaient  jeter  quelque nourriture aux malheureuses emmurées. C’était les seules dont elles pouvaient disposer !

Nous avons par ailleurs  marché dans les montagnes du Leon et gravi la fameuse Cruz de Hiero, «  la Croix de Fer » qui culmine à 1540 mètres. Un des passages mythiques de notre périple été la montée de  O Cebreiro vers la Galice. Après le Leon, la Galice… Nous voilà chez nous !!!  Un  climat, un paysage, un mode de vie qui ressemble beaucoup à la Bretagne.

À ceci près : nos collines de l’Argoat  font  tout de même pâle figure à côté des monts de Galice qui ressemblent  plutôt aux Vosges ou à certaines parties du Massif Central. Notre  marche  à travers la Galice nous conduit à notre dernier hébergement à Sobrado de los Monjes où nous logeons au Monasterio Santa Maria ou vivent  des cisterciens, comme ceux de Timadeuc avec qui ils sont d’ailleurs en relation. Un des points émouvants de notre pèlerinage a été d’écouter les Complies chantés par les moines, à 21 heures dans la chapelle du monastère. Il s’agit de la dernière prière du jour dans la Liturgie des Heures. Elle est chantée par les fidèles avant d’aller dormir. Dans les monastères, cette prière est suivie d’un grand silence jusqu’à l’office des Laudes à 4 heures du matin. C’est spirituellement très  prégnant, humainement très émouvant, culturellement fort instructif.

De Lavacolla au « Champ de l’Étoile »

Avec le sonneur de gaïta, à Compostelle

            Notre dernière étape démarre  à Lavacolla, à seulement  dix kilomètres du sanctuaire de Santiago. Lavacolla est ce village où traditionnellement les  pèlerins se purifiaient en se lavant dans la rivière locale et en changeant leurs vêtements avant d’entrer  «  dans la ville de  Monsieur Saint Jacques ». Aujourd’hui rien de tel bien sûr mais le symbole demeure.    Ensuite, lorsqu’on atteint le Monte del Grozo (Montagne de la Joie), on aperçoit pour la première fois les tours de la Cathédrale… d’où la joie des pèlerins ! Après un cheminement à travers la ville, nous faisons les derniers pas dans une petite ruelle où nous sommes accueillis par un sonneur de gaïta (la cornemuse galicienne). Cela nous fait chaud au cœur et, je  crois,  au sonneur aussi car il a reconnu  notre drapeau breton… Puis nous voilà sur la fameuse Esplanade, l’impressionnante  Plaza de L’Obradoiro. Nous sommes arrivés  à Santiago de Compostella, Campus Stellae  «  le Champ de l’Étoile ». Nous contemplons l’environnement avec des yeux  émerveillés, notamment la façade baroque de la Cathédrale qui a été une des plus belles constructions romanes d’Europe. Nous avons pu assister à la messe des pèlerins dans la cathédrale (contrairement à 2019 ; l’édifice était en travaux à cette époque- là). C’est touchant, émouvant, grandiose : la foule, la ferveur, le nombre de prêtres et de prélats et leur disposition  dans le chœur, la musique, les chants : le duo entre l’orgue et le chanteur à la voix de  baryton était sublime. C’est un moment inoubliable, une sorte d’apothéose.

Nous n’avons pas eu  droit au fameux botafumeiro. Il n’est pas activé tous les jours. L e botafumeiro est un très grand encensoir animé par une excitation paramétrique humaine. Huit hommes, les « tiraboleiros » tirent à la corde pour actionner l’encensoir si original
Notre pèlerinage ne s’est vraiment terminé que  lorsque sur l’esplanade de l’Obradoirio nous avons entonné nos cantiques bretons : Da Feiz o n Tadou Kozh ;  Kantik Sant Erwan et  Mam an Intron Varia. Un moment émouvant aussi… apprécié par des pèlerins de divers horizons.

L’entrée en Galice: la « frontière »

Conclusion : Ultreia !   


Sans doute n’avons nous effectué à pied que le quart de la distance de Roncevaux à Compostelle. Mais nous avons vécu un condensé  de ce qu’est le pèlerinage : les paysages divers traversés, les villages, les villes, la dimension touristique, historique, culturelle, la ferveur populaire, l’élan  spirituel, la relation fraternelle dans le groupe. Les contraintes aussi… Le pèlerinage est toujours une découverte, un enchantement.

            « ULTREIA ». C’est une expression de joie du Moyen-Âge principalement liée au pèlerinage de Compostelle. Elle peut se traduire ainsi : «  Aide nous,  Dieu, à aller  toujours plus loin et toujours plus  haut». Elle est toujours d’actualité pour le pèlerin  d’aujourd’hui  …et de demain. Alors, oui :   ULTREIA !

À Guingamp le 18 Octobre 2022.

Pierre  Guillossou

 

  Cathédrale de Burgos

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