Compte rendu de la conférence de nos partenaires du CCFD-Terre Solidaire, originaires du Burkina Faso
Compte rendu de la conférence de nos partenaires du CCFD-Terre Solidaire, originaires du Burkina Faso : Martine PORGO et Abdou Rasmané OUEDRAGO
La conférence avait lieu à la salle Ty Santez-Anna, de Ploumagoar, le Samedi, 3 février 2024, de 14 h 30 à 17 h. (Photos : M. Boulbin & J.C. Thomas)
Abdou Rasmané OUEDRAGO et Martine PORGO
En Amont de cette conférence , les membres de l’équipe organisatrice, Jean Yves , Annie , Gilles et Marc, ont eu le plaisir de partager le temps du déjeuner, avec le père Gladimir, administrateur de la Communauté Pastorale du Pays de Guingamp, le père Anselme, prêtre des mêmes paroisses, nos deux partenaires Burkinabés et une belle représentation de l’équipe CCFD de Guingamp !
Les participants au moment du repas
La conférence a été introduite par Gilles DÉTRICHÉ, avec une présentation succincte du CCFD-Terre Solidaire :
– des 4 axes de travail : Migrations internationales- Paix et vivre ensemble- Justice économique et Souveraineté alimentaire.
– des 3 moyens d’action : Partenariat, plaidoyer et mobilisation citoyenne.
Le programme TAPSA (Transition vers une Agroécologie Paysanne, au service de la souveraineté alimentaire) a également été présenté ; il concerne plus de 20 organisations paysannes et structures locales, de 15 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud, soutenues par le CCFD-TS.
En 2021, le CCFD-TS régional, a décidé de mettre l’agro-écologie paysanne, comme axe prioritaire d’action ; en partenariat, avec le CNEAP Bretagne.
Un programme d’action est acté, pour 2023-2026.
Au 1er plan, Gilles Détriché
À la rencontre de nos deux partenaires de 2024, invités cette année !
Présentations :
– Martine PORGO, productrice semencière, est veuve et mère de 5 enfants. C’est une femme très active, qui apporte son regard engagé dans des pratiques agro-écologiques sur son exploitation.
– Abdou-Rasmané OUEDRAGO : est directeur de l’ UBTEC , Institut de micro finances, issu d’une fédération d’organisations paysannes, au service de l’agro-écologie.
Le programme de leur séjour est construit sur deux axes :
– le regard et la contribution des femmes, dans l’agro-écologie.
– la sensibilisation des personnes à une autre forme d’agriculture.
Tous deux habitent la ville de Ouahigouya , au nord du Burkina Faso.
1 – Intervention de Martine, Agricultrice
Martine PORGO
Elle travaille 6 ha de Terre. 3 hectares sont réservés pour nourrir la famille (21 personnes). Les 3 ha restants, sont utilisés pour la production de semences paysannes (Sorgho, Mil, Sésame, Haricot…) ; les semences sont produites en juillet, août et septembre et Martine est aidée par un groupe de femmes.
Les hommes sont peu disponibles pour les travaux des champs, pris par l’orpaillage !
Les semences sont produites sans engrais chimiques, les terres sont amendées de compost.
Les semences sont gérées par l’État, qui paye les producteurs… un an après !
Martine est par ailleurs engagée dans son village : elle est « femme chef de village ; elle réunit les femmes régulièrement pour échanger avec elle : partages d’expériences, couture, école de langue…). Elle est également élue à la chambre d’agriculture et s’occupe des microcrédits alloués aux producteurs.
Problèmes rencontrés par Martine :
– les femmes ne sont pas souvent propriétaires.
– il n’est pas facile d’agrandir les exploitations ; il faut passer par le chef des terres du secteur, élu par la communauté.
– il faut travailler dans un contexte d’insécurité, face aux terroristes : deux millions de personnes ont été déplacées.
– il faut s’organiser entre exploitants pour les semis (semis impérativement sur 3 jours par exploitation).
À côté des productions végétales, l’élevage se développe : bovins ,chameaux , moutons et chèvres…
2 – Intervention de Abdou Rasmané OUEDRAOGO, directeur de l’UBTEC, chargé de programme du projet Tapsa : Transition vers une agroécologie paysanne au service de la Souveraineté alimentaire.
Abdou Rasmané OUEDRAGO
Il travaille sur l’économie sociale et solidaire et participe au développement de modèles économiques, pour soutenir les exploitants agricoles. Abdou est également agriculteur ; il produit des légumes (maïs, sorgho, sésame, mil…) sur 25 ha et des céréales sur 50 ha.
Les terres agricoles du Nord du Burkina Faso, sont arides et pauvres, souvent dégradées, souvent situées dans des zones où les précipitations ne dépassent pas 300 mm par an ; par contre le soleil est présent tous les jours ; et les T° varient entre 35 et 65°c ! 80% de la population du Burkina sont des agriculteurs : malgré tout, les productions agricoles ne représentent que 30% du PIB. Alors il faut changer les pratiques agricoles, à tout prix !
Pourquoi les sols sont aussi dégradés ? C’est à cause des mauvaises pratiques :
– les feux de brousse – la mauvaise gestion des déchets – l’élevage intensif – la déforestation – l’ensablement des cours d’eau (vent de sable du Sahel) – l’utilisation d’intrants chimiques et de pesticides qui dégradent les sols – les changements climatiques (sécheresse, vents violents, inondations, pollutions). Tout ceci génère assez souvent des conflits entre agriculteurs et éleveurs.
Remèdes :
– les pratiques agro-écologiques ont débutés en 1970. Depuis 2010, le modèle de notre agriculture est satisfaisant, du fait de la mise en place de pratiques nouvelles :
– Le Compostage: intrant organique, à base de cendres, bouses, herbes …
– Les Zaïs ou poqués : faits de compost et de terre ; cela produit des céréales « mil », par ex., même avec 200mn d’eau /an !
– Les demi-lunes, de 10 cm de profondeur, faites de terre et de compost.
– Les bandes enherbées : dans lesquelles se développent des insectes utiles, mangeurs de mauvaises larves destructrices de graines : ceci améliore la biodiversité.
– Les cordons pierreux : on creuse une tranchée, dans laquelle on introduit des pierres, qui permettent l’infiltration de l’eau dans les sols.
– La permaculture : association Sorgho-haricot par ex., qui est fertilisant.
– Pas d’engrais chimiques : mais utilisation de bio-pesticides pour le traitement des parasites (sur tomates et oignons). Ces biopesticides sont fabriqués de façon industrielle par PIO ; ce sont des produits fabriqués à partir de piment, ail, oignon et neem, par fermentation, puis filtration.
– développement des cultures fourragères, pour nourrir les bovins, afin de limiter les conflits avec les éleveurs.
– développement de productions nouvelles : mangue, papaye, moringa, sésame, maïs, blé, banane, ignames…
– développement des moyens de conservation des produits agricoles ( pour oignons et autres)
– outils peu énergivores.
Réponses forestières :
– développement de la régénération naturelle assistée ;
– reboisement avec des espèces locales fertilisantes (acacia, Albizia, Leucaena), qui apportent de l’azote au sol ; mais qui sont aussi des fourrages pour les chèvres; -plantation d’espèces médicinales pour les maladies animales et humaines.
– surveillance de la forêt ;
– Réduction du brûlage de bois (utilisation de gaz butane et panneaux solaires).
– utilisation de biopesticides (bon pour la bio-diversité)
Aide aux agriculteurs , par la micro-finance.
– le ministère de l’agriculture burkinabé a un département qui soutient l’Agro-écologie
Les financements de la pratique écologique, à hauteur de 200-300 € se développent et aujourd’hui des milliers d’agriculteurs en bénéficient.
Le financement incitatif est au taux nominal de 10 %, minoré de 2 points pour ceux qui développent l’agro-écologie (soit 8%) ; mais ce taux est majoré de 2% pour ceux qui ne pratiquent pas l’agro-écologie ; pour eux le taux d’intérêt s’élève à 12%).
En 2023, 7 millions d’euros ont été prêtés aux agriculteurs.
Marc Boulbin
(Photos : M. Boulbin & J.C. Thomas)