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Monastère et chapelle de Montbareil (Guingamp 22) : quelques repères historiques et spirituels

 

NB : ceci n’est pas une étude, mais une simple évocation en mémoire de l’ancien couvent de Montbareil et des personnes qui y ont vécu.

 

Bâtiment 1

 

Grand bâtiment des religieuse (1710) en granite ocré du pays

 

Bâtiment 2 pensionnat

 

L’immeuble des pénitentes du Refuge

 

78 ? 83 ? 85 ? 90 ? Les nombres varient selon les sources, mais l’ancien couvent guingampais des sœurs de Montbareil, en cours de restauration, devra offrir dans quelques mois une belle quantité d’appartements, du T1 au T3. La fin des travaux pourra avoir lieu fin 2025. Ce sera l’œuvre du groupe immobilier bordelais Cir, spécialisé dans la rénovation de ce type d’immeuble ancien. Le groupe a acheté en 2022 l’ancien couvent, mis en vente en 2014 après le départ des dernières religieuses.

 

La paroisse de Guingamp avait rendu hommage aux sœurs, dont le départ laissait un grand vide. Le présent article, d’abord publié en 2014 sur l’ancien site web de la paroisse Notre-Dame de Bon Secours (Guingamp) est illustré de photos prises avec leur autorisation. Certaines statues ont trouvé place, depuis, dans d’autres lieux d’Église. Nous avons voulu réunir quelques notions d’histoire et quelques photos qui nous rappelleront les œuvres de foi et de charité qui ont pu naître entre ces murs vénérables.

chap privée

 Monastère des sœurs de Montbareil : chapelle privée des sœurs avant leur départ en 2014

 

Les citations sont extraites d’articles de Simonne Toulet et de Jeannine Grimault, parus dans la revue Amis du Patrimoine de Guingamp (n° 10, puis n° 44-45). Nous ne saurions trop recommander la lecture de ces articles qui examinent l’histoire et également le rôle social des religieuses qui se sont succédé dans le couvent de Montbareil depuis 1676. On peut encore trouver la version numérisée de la revue dans les librairies, et en consulter la collection à la médiathèque de Guingamp.

 

Chapelle des religieuses de Montbareil : quelques repères historiques

 

Dates-clés

 

– XIIe s. Les Jacobins (Dominicains) s’installent à Guingamp en 1283, dans le faubourg de Montbareil. Leur couvent sera rasé lors des guerres de la Ligue, en 1591. Celui des Cordeliers (Franciscains), fondé en 1284, subit le même sort. Les deux couvents se faisaient face de part et d’autre de la rue.

– À partir de 1676 : à l’emplacement des Jacobins, construction du couvent des Dames de la Charité et du Refuge (fondation : Mme Des Arcis) ; à partir de 1677 : construction de la chapelle.

– Révolution de 1789 : le couvent de Montbareil devient bien national et est transformé en prison puis en caserne.

– 1820 : le couvent est acheté par les Sœurs de la Croix. Écoles pour jeunes filles ; 1920 : clinique.

– 1976 : Après fusion de plusieurs congrégations, les religieuses s’appellent Sœurs du Christ.

– 2014 : départ des dernières religieuses ; mise en vente du monastère.

 

Plan de la chapelle

 

Plan Montbareil

Plan de la chapelle de Montbareil (revue Le Pays de Guingamp, n° 44 – juin 2008 p. 14)

 

« […] Le XVIIe siècle fut […] marqué, à Guingamp, par l’arrivée en force d’ordres religieux féminins liés à l’active Réforme Catholique. » « Un […] ordre religieux féminin avait également élu domicile à Guingamp, sur l’emplacement de l’ancien monastère des Jacobins. A l’origine de cette fondation, il y a Madame des Arcis ; originaire de la ville, elle se voua à l’œuvre des Refuges et contribua à créer le couvent de Montbareil où elle prit le voile. Dans ce monastère, étaient hébergées des jeunes filles et des jeunes femmes dont la conduite laissait à désirer. Certaines y furent placées en vertu de lettres de cachet royales. La construction, commencée en 1677, fut rapidement menée… ».

Les caractéristiques architecturales de ce monastère sont comparables à celles des monastères des Ursulines et des Augustines, datant approximativement de la même époque, avec notamment, en ce qui concerne leurs chapelles, « les éléments décoratifs empruntés à la Renaissance : frontons, colonnes, pilastres, frises à l’antique, balustres, pots à feu, niches. » C’est l’utilisation d’éléments de l’architecture antique. Les pierres sont en « granite local beige ocré, très soigneusement appareillé. »

 

Frontispice

Façade du monastère de Montbareil donnant sur la rue du même nom ; entrée de la chapelle

 

détail frontisp

Façade du monastère de Montbareil : détail (décor inspiré par le style Renaissance)

 

Vierge du frontispice

Façade ou frontispice du monastère : partie sommitale avec la Vierge à l’Enfant

 

Montbareil porte haut

Plus haut dans la rue de Montbareil (à g.), porte de la première chapelle ; au N° 12 (à dr.), ce qui fut la nouvelle porte d’accueil

 

Au moment de la Révolution, les religieuses de Notre-Dame de Charité du Refuge furent dépossédées et Montbareil fut transformé en prison, voire en caserne. C’est en 1820 que le monastère fut acheté par les Sœurs de la Croix, qui y développeront école et pensionnat. En 1913, le docteur Rouault, chirurgien, y fonde une clinique. En 1976, les Sœurs de la Croix fusionnent avec d’autres congrégations pour former celle des Sœurs du Christ, le monastère devenant leur maison de retraite. En 2014, ces dernières quittent les lieux et le monastère est mis en vente.

La chapelle, dont la première pierre fut posée le 3 décembre 1677, est sous les vocables des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, et de saint François de Sales. Détruite à la Révolution, elle fut reconstruite en 1818.Elle est en forme de croix latine orientée est-ouest. Les religieuses n’assistaient pas aux offices dans la nef avec le peuple, mais dans un emplacement qui leur était réservé à gauche du chœur, comme il sied à un ordre cloîtré.

 

Chœur B

Chœur de la chapelle du monastère de Montbareil en 2014 (retable du XVIIe s.)

 

Vitraux – 1 : vitrail Piriou

Une partie des vitraux sont historiés, d’autres sont simplement décoratifs. Celui qui est situé à la droite du chœur est signé de J(oseph) Piriou, verrier à Lannion, et daté de 1865. Deux scène se supermosent. En haut, l’investiture de Simon-Pierre comme chef de l’Église. La citation de saint Matthieu (Chapitre 16, verset 19) est une phrase de Jésus : « Quodcumque ligaveris super terram erit ligatum et in cœlis et quodcumque solveris super terram erit solutum et in cœlis. Math Cap XVI » Traduction : « Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans  le Ciel, et ce que du délieras sur la terre sera délié dans le Ciel. » (Mt 16, 19). Le panneau du bas représente la Cène (dernier repas de Jésus), avec les paroles (en latin) que prononce Jésus instituant l’Eucharistie (évangile de saint Luc chapitre 22, versets 19-20) :  » Hoc est corpus meum quod pro vobis datur. Hoc facite in meam commemorationem. Hic est calix novum testamentum in sanguine meo, quod pro vobis fundetur. Luc Cp 22 » Traduction : « Ceci est mon corps donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang, qui pour vous fut versé. »

 

 

Vitrail chœur

Vitrail de Joseph Piriou à droite du chœur

 

Vitrail St Pierre

Vitrail du cœur (haut) : Jésus remet les clés du Royaume à saint Pierre. Citation latine de l’évangile selon saint Matthieu.

 

Vitrail la Cène

Vitrail du chœur (bas) : la Cène avec Judas, debout à gauche, quittant le groupe des Apôtres

 

piriou verrier

Vitrail du chœur (bas) : Inscription latine tirée de saint Luc (Lc 22, 19-20), paroles du Christ instituant l’Eucharistie. Tout en bas le nom du maître verrier : « Piriou verrier 1865 à Lannion Côtes du Nord)

Vitraux – 2 : autres plus récents

 

D’autres vitraux représentent des saintes et des saints. L’un contient la mention : « Don de Mme L’Hôtellier, an 1901 ». Cette date permet de supposer que les vitraux (non signés) de cette série sont de 1901. Ils sont donc plus récents que celui de Piriou, et offrent des traits plus modernes, plus clairs, moins chargés.

 

L'Hotellier 1901

Nom de la donatrice du vitrail de St François de Sales & Bx Charles de Blois

 

François d’Assise, Charles de Blois, Françoise d’Amboise

 

Outre les saints tutélaires du monastère, celui-ci honore également saint François d’Assise, universellement révéré, et deux bienheureux dont l’histoire a croisé celle des Guingampais.

 

 

vitr Fçs Vincent

Vitrail : à g. St François d’Assise aux membres stigmatisés. En médaillon, croix surmontant 2 bras qui se croisent, celui du Christ en Croix et celui du religieux : stigmatisé, François est configuré au Christ en Croix. À d. St Vincent de Paul mendiant la charité. En médaillon un calice surmonté d’une hostie éclatante : le prêtre charitable est véritablement l’homme de l’Eucharistie et homme de prière comme en témoigne le bréviaire qu’il tient à la main gauche. Vêtu comme au confessionnal il est aussi l’homme qui donne le pardon.

 

Quant aux bienheureux (non encore canonisés) il s’agit en premier lieu de Charles de Blois (1319-1354), duc de Bretagne, qui mourut à la bataille d’Auray. Béatifié par Pie X en 1904, il était populaire à cette époque. Il est représenté sur un vitrail de 1901 (avant sa béatification, donc), sous le blason des ducs de Bretagne. Il fut l’un des antagonistes (et héros malheureux) de la Guerre de Succession de Bretagne (1341-1364), dont Guingamp fut l’un des théâtres. Son souvenir est donc attaché à cette ville, d’autant plus qu’il fut inhumé chez les Cordeliers de Grâces, à la périphérie de Guingamp, puis dans l’église même de Grâces où un reliquaire lui est consacré.

 

F de Sales et Ch de Blois

Vitrail : saint François de Sales (à g.) et le bienheureux Charles de Blois, surmonté de son blason

 

En second lieu, nous avons la bienheureuse Françoise d’Amboise (1427-1485) que Pie IX avait béatifiée en 1863. Elle avait été l’épouse de Pierre II (1418-1457) qui, avant de devenir duc de Bretagne, fut comte de Guingamp, où il fit construire le château dont il nous reste quelques pierres vénérables.

 

Vierge & F D'Amboise

Vitrail : à g. Notre-Dame de Bulat ; à droite la bienheureuse Françoise d’Amboise

 

Blason Françoise d'Amboise

Blason de Françoise d’Amboise dans le médaillon du vitrail la représentant

 

Sainte Thérèse d’Avila, sainte Agnès

 

 

Stes Thérèse et Agnès Montbareil

 

Vitrail de Thérèse d’Avila (à g., avec en médaillon son monogramme TS pour Tereza Sanchez) ; à d. sainte Agnès ; en médaillon, sa couronne de roses blanches.

 

Sainte Thérèse d’Avila, représentée conformément à la tradition un livre à la main gauche et une plume d’oie à la main droite, fut au XVIe siècle la réformatrice  du Carmel (importé en Bretagne par Françoise d’Amboise). Elle écrivit plusieurs importants livres de spiritualité. Guingamp posséda, avant la Révolution, un couvent de carmélites situé non loin de Montbareil (en gros du côté de la rue Saint-Yves). Thérèse d’Avila est l’une des principales références des religieuses cloîtrées. Détail curieux : son pied gauche est chaussé, alors que son pied droit est nu. Cela rappelle qu’elle fut à l’origine d’une réforme du Carmel en Espagne, fondant les Carmes Déchaux en 1562, réforme s’appliquant d’abord aux couvents de femmes, avant de s’étendre aux couvents masculins grâce à la collaboration de saint Jean de la Croix.

L’effigie de sainte Agnès, martyre romaine du 3e siècle, se justifie par sa réputation de sainteté : âgée de 13 ans, elle refuse les avances de plusieurs homme, est outragée et finalement tuée à cause de sa foi chrétienne. On en fit un modèle de pureté pour toutes les femmes certes, mais surtout pour celles qui furent en quelque sorte internées à Montbareil ; ce couvent se voulait à son origine un « Refuge » pour les filles de mauvaise réputation. La sainte, couronnée de roses blanches symbolisant sa virginité, tient à la main la palme du martyre, et l’on voit à ses pieds son attribut habituel, un agneau. Ce dernier, par étymologie populaire, fut considéré (à tort…) comme traduisant le prénom d’origine grecque « Agnès », établissant le lien avec l’Agneau de Dieu, Agneau mystique : le Christ. De l’importance des symboles !

Vitrail décoratil web

Vitrail décoratif non historié

Spiritualité : le cœur et la croix

 

Deux démarches spirituelles ont imprimé leurs marques en cette chapelle et aux bâtiments du couvent (dont la partie ancienne fut construite en 1710). Toutes deux s’inscrivent dans la Contre-Réforme catholique initiée à la suite du Concile de Trente (1542). Toutes deux se réfèrent à une spiritualité où la douceur a valeur de force. Il s’agit d’une part des religieuses de Notre-Dame de Charité du Refuge, qui fondèrent le couvent de Montbareil en 1676, et d’autre part des Sœurs de la Croix, qui rachetèrent le couvent en 1820.

 

Les premières étaient reliées directement au saint normand Jean Eudes (1601-1680) par sa compatriote Mère Marie de la Trinité Heurtault. Celle-ci fut l’une des chevilles ouvrières de la venue à Montbareil de cet ordre religieux voué à la ré-éducation des prostituées. Or, Jean Eudes fut l’un des propagandistes en France du culte des Saints Cœurs de Jésus et de Marie. Pour faire bref, sa spiritualité se fondait sur la douceur du Christ et de sa Mère, et il reliait celui dont le cœur fut transpercé sur la croix à celle qui, toute jeune maman, reçut la prophétie du vieillard Siméon : « un glaive te transpercera le cœur » (Luc 2, 34-35). Cette référence aux deux cœurs est présente dans une pierre sculptée portant la date de 1736, année de l’élévation de l’immeuble des pénitentes. Les deux cœurs sont enflammés, rappelant l’ardeur, le caractère brûlant de l’amour. À gauche, marqué d’une croix, le cœur de Jésus ; à droite, marqué d’une entaille, celui de Marie.

2 cœurs et date

1736 : année de l’élévation de l’immeuble des pénitentes ; au-dessus, les 2 cœurs de Jésus et Marie, avec croix et flammes

 

Quant aux Sœurs de la Croix, « leur vocation est la formation humaine et chrétienne des femmes par la création de retraites spirituelles, l’instruction et l’éducation des filles ». Venues de Tréguier en 1920, elles se réfèrent à deux saints ayant influencé les débuts de leur congrégation : François de Sales et Vincent de Paul. Les statues de ces deux saints encadrent le chœur de la chapelle et ils sont représentés sur les vitraux de 1901.

 

Statues de François de Sales et de Vincent de Paul

Les statues de ces deux saints encadrent le retable (XVIIe s.) du chœur.

Saint François de Sales (1567-1622), qui prônait entre autres la dévotion au Sacré Cœur de Jésus, fonda l’ordre des Visitandines qui acceptait des femmes de toutes conditions. Il voulait développer la piété dans la vie quotidienne. Une de ses devises était : « Rien par la force, tout par la douceur ». Ouvert à l’éducation des masses, c’est de lui que se réclament les Salésiens, congrégation vouée à l’éducation.

 

Fr de Sales

À droite dans le chœur : statue de saint François de Sales

 

Pour ce qui concerne Monsieur Vincent, ou saint Vincent de Paul (vers 1581-1660), on connaît son dévouement au service des pauvres. Il a notamment fondé les Sœurs de la Charité (ou Sœurs de Saint Vincent de Paul), dont l’emblème est un Christ en croix sur fond de cœur enflammé. Voir plus haut son vitrail.

 

St Vincent

À gauche dans le chœur : statue de saint Vincent de Paul

 

 

L’amour qui engage

 

On voit que ces saints patrons, dont l’un (Jean Eudes) fut contemporain de la fondation du monastère, veulent initier une réponse missionnaire à la bonté du Christ, symbolisée par le cœur enflammé (dont la dévotion renvoie à saint Augustin d’Hippone), d’une part, et par la croix couronnée d’épines d’autre part. La couronne d’épines renvoie au Christ tourné en dérision, souffrant sa passion dans le don total de Lui-même sur la croix. Ces symboles sont reproduits à différents endroits du monastère comme en témoignent les photos qui suivent.

Certes, la notion de « cœur » héritée de la Bible dépasse de très loin toute sentimentalité. Bien plus, cette spiritualité invite à l’accueil et à l’amour du prochain, au service, à l’éducation, à la prise en charge de toute détresse humaine. Tout cela a été mis en chantier, avec des hauts et des bas, au monastère de Montbareil.

Ce n’est pas sans émotion que l’on rend compte de la disparition de ce lieu de prière et de charité. On se dit cependant que toutes ces valeurs évangéliques sont désormais notre héritage. À nous de les mettre en œuvre avec les moyens d’aujourd’hui !

 

Jef Philippe

Statues red

Trois statues étaient disséminées dans le monastère

 

Croix sur la rue

Pierre gravée côté rue au-dessus de la porte d’accueil (Croix et couronne d’épines)

 

Monogrammes

 

Pierre gravée : monogrammes de Jésus (en haut) et de Marie (en bas)

 

Croix faîtale

 

Croix faîtale en métal, visible de la rue.

 

Vierge Enfant chœur

 

Au sommet du retable du cœur, statue de la Vierge à l’Enfant

 

vitrail écu

Petit vitrail dans le fond de la nef (visible de la rue de Montbareil) : blason des Sœurs de la Croix. Inscription latine SPES UNICA (Unique espoir = la Croix du Christ)

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