Pardon de Notre-Dame de Bon Secours 2021 : les homélies de Monseigneur Denis Jachiet (3 et 4 juillet)
Homélie de la messe du Pardon de ND de Bon Secours – Le samedi 3 juillet 2021, à 21h, à la Basilique de Guingamp.
Évangile : Luc 2, 41-52
A travers les siècles, combien de fidèles pèlerins sont venus ici vers Notre-Dame de Bon Secours pour prier, pour lui confier un membre de leur famille en péril, un proche défunt et se recommander à sa protection. Depuis le début de cette période de pandémie, il n’a pas manqué de drames et de souffrances au sein des familles : des malades qu’on ne pouvait visiter, des personnes qui nous ont quittés sans pouvoir leur dire adieu, des détresses dues à l’isolement, à la perte de revenus. Avec ces intentions, pendant l’année de la famille et dans la tradition de ce pardon, nous venons ces jours-ci prier pour toutes les familles avec Marie.
A la lumière de la Parole de Dieu, demandons-nous : Pourquoi invoquer Marie ? Que trouvons-nous sous son regard ? Que nous apporte sa prière ?
1 – Une mère à la recherche de son fils.
L’épisode que nous venons d’entendre nous renseigne sur la Sainte Famille. Au retour après leur pèlerinage de Pâque à Jérusalem, il n’y a pendant une journée aucune inquiétude dans le cœur de Marie et Joseph. Même si Jésus n’a que 12 ans, la liberté et la confiance dans laquelle ils l’éduquent font qu’ils n’éprouvent pas le besoin de le voir, le sachant responsable.
C’est au soir que naît chez les parents de Jésus l’angoisse de constater sa disparition du groupe de pèlerins. On ne sait pas mais on imagine le pire et commencent deux jours de souffrance dans l’anxiété. Sans perdre espérance, Marie traverse une nuit, une nuit de l’absence qui ressemble à la mort. En cherchant son fils, elle s’unit aux hommes en recherche de salut, elle est figure de l’humanité qui cherche un Sauveur sans savoir où le trouver.
Au bout de trois jours, la découverte de Jésus dans le Temple au milieu des docteurs est un tel soulagement, c’est une véritable résurrection. Cependant les retrouvailles n’effacent pas toute peine. Marie demeure dans l’incompréhension de ce que Jésus a fait, de ce qu’il leur dit et de ce que cela annonce. Joseph et Marie sont passés par 3 jours de calvaire pour enfin revivre. Ils retrouvent leur enfant vivant et entendent ses paroles d’intelligence sur la Parole de Dieu. Jésus retrouvé est plus que l’enfant égaré, c’est le Fils de Dieu qu’ils contemplent.
C’est une Pâque, une mort et une résurrection que Marie a traversées dans cet évènement. La Vierge Marie connaît l’épreuve pascale. Elle rejoint en cela ces passages douloureux de l’existence que toute famille traverse de façon plus ou moins dramatique : l’adolescence et le départ du foyer des enfants, la vieillesse et la mort des parents, les choix décisifs de ceux qu’on aime et qui demeurent parfois incompris.
Invoquer Marie permet de s’approcher de Dieu avec celle qui a traversé la nuit sans perdre espérance et qui est restée debout au pied de la Croix. Celle qui connaît la profondeur de nos peines les porte à son Fils, source de vie de guérison et de pardon.
En invoquant Marie nous nous mettons à la recherche du Christ vivant.
2 – Mère de la Providence
En priant Notre-Dame de Bon secours, nous nous confions à la Providence. Qu’est-ce que la Providence ?
Les anciens grecs avaient fait de la providence un gouvernement divin et rationnel qui régit l’ordre du monde et est censé permettre qu’en définitive tout advienne en bien. Certains se réfèrent à la Providence dans une auto persuasion que tout finira bien, providentiellement.
Je crois que Marie peut nous faire découvrir un tout autre visage de la Providence. Marie a traversé l’angoisse, elle a vécu le déchirement de voir son fils arrêté, brutalisé et crucifié mais sans perdre l’espérance. Elle garde les événements heureux ou douloureux pour les méditer en son cœur, elle est notre mère dans l’ordre de la Providence. Elle n’est pas celle qui explique tout mais celle qui prend par la main pour nous montrer l’amour prévenant du Père pour chacun de ses enfants. Pour entrer dans une juste confiance en la Providence, le regard de Marie sur nous est une aide puissante.
« Le regard de la Vierge est le seul regard vraiment enfantin, le seul vrai regard d’enfant qui se soit jamais levé sur notre [péché]… Il faut sentir sur soi ce regard qui n’est pas tout à fait celui de l’indulgence mais de la tendre compassion, (…) qui la fait plus jeune que le péché (…) plus jeune que [l’humanité] et bien que Mère par la grâce, Mère des grâces, la cadette du genre humain.. » Georges Bernanos Journal d’un curé de campagne.
Lorsque nous nous trouvons devant la souffrance et l’épreuve, nous ne savons pas comment réagir, comment garder lucidité et courage sans cesser de croire, de prier, d’espérer. Nous pouvons nous mettre sous le regard de Marie. Au pied de la Croix elle a a su vibrer parfaitement à l’unisson de Dieu. Son regard nous conduit dans la confiance en la Providence.
3 – Prier avec Marie
Qu’est-ce que la prière de Marie ajoute à la nôtre ? Dans le passage du prophète Isaïe que nous avons entendu, Dieu nous promet la consolation. La consolation que le Seigneur veut nous accorder, elle n’est pas oubli du passé mais don de Dieu qui surmonte l’épreuve, qui opère le salut des affligés. La consolation de Dieu est une résurrection.
Qui mieux que Marie peut nous dévoiler le cœur de Dieu ? « Comme un enfant que sa mère console, ainsi je vous consolerai. Oui, dans Jérusalem vous serez consolés » Is 66, 13.
Marie, à l’unisson de Dieu, nous regarde avec miséricorde, nous remplit de consolation. Elle qui est sans péché, elle « prend pitié de nous pauvres pécheurs ». Solidaire des croyants elle intercède pour les besoins de l’Église.
Invoquons-la ce soir pour l’Église, pour que l’Église devienne davantage le lieu où ceux qui sont en recherche fassent la rencontre du Christ, Parole vivante, la maison où les pécheurs sentent la douce puissance du pardon, le lieu où les personnes dans l’épreuve trouvent la consolation.
Marie Notre-Dame de Bon secours, mère de la Providence, intercède pour le peuple des croyants, pour ses fidèles et ses pasteurs, afin que l’Église, le Corps de ton fils, rayonne d’amour et de miséricorde.
Terminons avec le Souvenez-vous, cette superbe et ancienne prière :
« Souvenez-vous, ô Très miséricordieuse Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance, réclamé votre secours, ait été abandonné. Animé de cette confiance, ô Vierge des vierges, ô ma Mère, je viens vers Vous, et gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds. O Mère du Verbe, ne méprisez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement et daignez les exaucer. Amen. »
+ Denis Jachiet
Homélie du 14ème dimanche du temps ordinaire, année B – Dimanche 4 juillet 2021, à la Basilique de Guingamp –
Évangile : Marc 6, 1-6
Devant le peu de succès que Jésus rencontre à Nazareth, demandons-nous ce qu’est un échec. Nous connaissons tous des échecs, un examen, un projet professionnel, un espoir amoureux… Mais qu’est-ce qu’un échec dans la mission d’annonce de l’Évangile ?
En 1537 se sont retrouvés à Venise Ignace de Loyola et ses 6 compagnons qui ont fait vœu à Montmartre 3 ans plus tôt d’aller évangéliser à Jérusalem. Ils font le constat de l’échec de leur projet. Au lieu d’être la fin de leur consécration au Seigneur, ce constat scelle le début de la Compagnie de Jésus en les conduisant à choisir de se mettre à la disposition du pape.
Quelle est la mission d’un prophète ? Quelle est la fécondité de l’échec ? Comment devenir prophète ?
La mission du prophète.
D’abord qu’est-ce qu’un prophète ? Dans la Bible, ce n’est pas un voyant extra lucide ni un visionnaire de l’avenir qui use de son don de prédiction. C’est celui qui parle au nom de Dieu, son porte-parole. Il révèle l’action de Dieu parmi les hommes ; il invite à la conversion ; il s’oppose aux préjugés. Il parle par ce qu’il dit, par ce qu’il fait, par ce qu’il est.
Par exemple dans la 1ère lecture, Ézéchiel entend Dieu lui donner sa mission. Il s’agit de parler au nom de Dieu mais à ceux qui se révoltent et ne veulent pas écouter ! Il va porter la lourde responsabilité d’annoncer le jugement de Dieu à un peuple rebelle. S’il le fait, qu’il est entendu, rejeté et même persécuté, il a accompli sa mission. Le succès d’un prophète n’est pas la popularité ! S’il avertit les hommes, il a réussi. S’il ne le fait pas, il devra rendre compte du péché qu’ils commettront, il a échoué.
Jésus est clairement un prophète, comme Jean-Baptiste, et il rencontre comme lui, l’adversité. Elle se manifeste sous deux modalités : Beaucoup ne veulent pas entendre ses appels à la conversion et mettent en cause son autorité. « D’où cela lui vient-il ? » D’autres, comme Hérode qui a emprisonné et tué Jean-Baptiste, seront de plus en plus nombreux à vouloir la perte de Jésus. À Nazareth, Jésus a accompli sa mission : enseigner et guérir quelques malades. Est-ce un échec ? Oui pour les Nazaréens mais pas pour Dieu. Aujourd’hui encore cet épisode est proclamé et aide les consciences à s’ouvrir au message de Jésus.
La fécondité de l’échec
Aujourd’hui, nous jugeons tout en termes de sondages, de statistiques et de résultats. C’est utile pour s’organiser, c’est destructeur pour évangéliser. L’Église n’est pas une start up qui doit faire du chiffre ou mourir ! Elle a commencé à 2 au pied de la Croix puis à 12 à la Pentecôte.
Jésus ne nous demande pas d’être minables dans la communication ni ridicules dans les moyens mis en œuvre. Il veut nous mobiliser tout entiers et sans retenue en usant de tous les moyens à notre disposition pour propager son message.
Gardons-nous de juger les fruits de nos apostolats uniquement en termes de statistiques et de popularité. Il est des relatifs échecs qui sont féconds. Paul a rencontré l’échec à l’Aréopage d’Athènes et il n’a converti que Denys et quelques autres mais il a fondé l’embryon de la présence du Christ dans le creuset de la culture grecque, ce fut le départ de la pensée des Pères de l’Église de langue grecque.
Sachons agir non pour le succès immédiat mais pour accomplir la vocation que nous recevons du Seigneur. C’est l’Esprit Saint qui doit guider nos initiatives et nos choix et non la popularité de nos positionnements et de notre message. Demandons-nous ce que l’Esprit Saint attend de nous en termes de paroles et de silence, d’engagement et de témoignage.
Devenir prophète à la suite de Jésus
Voulons-nous devenir prophètes à la suite de Jésus, porteurs de sa Parole ? La Parole de Dieu est une arme à double tranchant. Elle dénonce le mal et enseigne le bien. Elle pousse à la conversion et chante la miséricorde. Elle provoque et apaise. Elle prépare à la conversion, au salut et au bonheur de ceux qui la reçoivent.
Mais elle cause le mépris ou la persécution des prophètes car elle suscite l’exaspération, le rejet et la rancœur chez ceux qui veulent en être juge. La Parole de Dieu est Bonne Nouvelle, elle vient d’un Dieu sauveur et plein d’amour.
Avons-nous fait le choix du Christ dans la foi ? Si c’est lui qui est premier dans nos vies et dans nos choix, il nous rend capables de l’aimer en vérité et d’en porter le poids. Devenir témoins de Jésus et prophètes de l’amour de Dieu signifie que tôt ou tard nous serons incompris, considérés comme des gens à la mentalité étrange, d’un autre temps.
Prenons l’exemple du projet de loi de bioéthique débattu depuis 3 ans et adopté mardi au Parlement. L’épiscopat s’est montré constant en répétant un message d’appel à la responsabilité et au respect intégral de la dignité humaine. Le vote a-t-il sanctionné un échec ? En tant que lobby et que courant de pensée à faire passer, oui. En tant qu’Église, le message a été transmis et repéré. Comme chrétiens, nous demeurons des prophètes dans une nation où la loi n’est plus dans ce cas un repère moral. Il faut donc discerner pour faire des choix en pleine conscience de leurs conséquences éthiques.
« Malgré plusieurs années de débats, une logique s’est imposée qui fait de la dignité de l’être humain une valeur à géométrie variable. (…) Face à cette loi, les évêques de France continuent de manifester une grande inquiétude et adressent un appel (…) Si la loi dit le droit, elle ne dit pas le bien. Ce nouveau cadre législatif fait sauter de nouvelles digues éthiques et renvoie chacun, plus que jamais, à sa responsabilité personnelle. » Déclaration de Mgr de Moulins-Beaufort le 30 juin.
À la suite de Jésus à Nazareth et des prophètes, demeurons à temps et à contretemps des porteurs d’espérance envers tous nos frères. Portons dans notre prière toutes les familles, les couples stables et ceux qui se sont brisés, les familles classiques, recomposées, monoparentales ou homoparentales. Tous les enfants, ceux avec un père et une mère et les autres sont dans notre prière. Tous les parents ont besoin pour accomplir leur mission éducative de soutien, de prière et de paroles vraies.
Prions Notre-Dame de Bon Secours dans le sens original de Notre-Dame du Vrai Secours, celui qui vient de Dieu, dans sa Providence et veut conduire l’homme au Bien dans la Vérité. Que la Vierge Marie, toujours si maternelle et protectrice de la vie nous vienne en aide pour apporter la joie de l’Évangile dans notre monde en mouvement qui en a tant besoin.
+ Denis Jachiet