Trouver mon horaire de messe : Voir les horaires

La spiritualité de Notre Dame de Bon Secours (Guingamp)

Les pèlerins qui au début du mois de juillet viennent vénérer Notre Dame de Bon Secours, à Guingamp, ont souvent un lien personnel, voire familial avec la Vierge Marie. Il est bon cependant d’aller un peu plus loin. L’an dernier, un prêtre américain nous a contactés par le site web de la paroisse, demandant quelle était « la spiritualité de N-D de Bon Secours ». Autrement dit, puisque Marie nous mène à Jésus, quel chemin de foi et de conversion nous indique-t-elle pour que nous vivions de l’Évangile ? Bonne question, à laquelle il ne fut répondu que superficiellement. Mais l’idée a fait son chemin, et voici quelques mots pour aider les fidèles  à réfléchir au sens de leur démarche de pèlerins.

Si on creuse un peu dans l’histoire religieuse de ce pèlerinage, on peut déterminer quelques grandes lignes de la spiritualité de Notre Dame de Bon Secours (Marie est vénérée sous ce nom dans plusieurs lieux à travers la France), en Breton Itron Varia ‘wir sikour (N-D de vrai secours). Que cela nous aide à prier Marie, qu’elle nous conduise à son Fils !

couronnement de la Vierge

La sainte Vierge est honorée à Guingamp depuis de nombreux siècles : on ne connaît pas le début de ce culte, mais on peut dire qu’au XVIIe siècle pas moins de 9 sanctuaires de la ville étaient sous le vocable de la Mère de Dieu. Cependant, l’église que nous appelons de nos jours « basilique de Notre-Dame de Bon Secours » a d’abord été sous le patronage de saint Pierre et saint Paul, avant de porter le nom de la Bienheureuse Marie de Guingamp.

On a du mal à se représenter ce que furent les pardons d’autrefois, attirant des milliers de pèlerins (car Notre Dame de Bon Secours était un centre de pèlerinage. Notons cependant les chiffres rapportés par Hervé Le Goff dans son livre Les Riches Heures de Guingamp (éditions de la Plomée, 2004). Les fêtes du Couronnement de la Vierge (8 septembre 1857) eurent lieu en présence de « quatre évêques, dont un Américain, de plus de six cents ecclésiastiques, et d’une foule énorme évaluée à 20 000 personnes. […] Il fut distribué plus de 30 000 communions dans le sanctuaire durant les deux jours de festivités et leur octave » (pp 620-621). Puis les « vœux à la Vierge » prononcés par les Guingampais en 1870 [rassemblèrent] 100 000 pèlerins » en trois jours (p. 620).

Bannière ND BS

4 raisons de se confier à Notre-Dame de Bon Secours

Nous n’en sommes plus là, on s’en doute ! Cependant, les pèlerins du XXI siècle gardent de bonnes raisons de venir au pardon de Notre-Dame de Bon Secours, et aussi de passer un moment en prière avec elle, dans le porche- sanctuaire donnant sur la rue Notre-Dame, au gré de leur humeur, au gré des joies et des peines qu’ils veulent lui confier. Voyons quelques-unes de ces raisons, qui prennent sens dans la Bible, d’une part, et dans l’histoire de Guingamp, d’autre part.

Guingamp la Vierge Noire

La Visitation

1) L’évangile de référence est celui de la Visitation (Luc 1, 26-39). Cette fête, enracinée dans la Parole de Dieu, évoque la démarche charitable de Marie auprès de sa cousine Élisabeth. C’est la partage de la joie des deux futures mères, c’est le chant du Magnificat : « Mon âme exalte de Seigneur… », c’est le rappel de l’humilité de la Vierge, servante du Seigneur. Pour nous : joie, humilité, service.

Abside - Vitrail de la Visitation.JPG

 La Frérie Blanche

2) L’un des faits déterminants de l’origine du pèlerinage fut la constitution, officialisée en 1466, de la Frairie (ou Frérie) Blanche, « pieuse association » réunissant les trois ordres de la société sous l’Ancien Régime : clergé, noblesse, tiers-état. Leur union était résumée dans leur devise en breton : Fun trineud a-vec’h ez torrer (la corde à trois brins, on la rompt difficilement). Autrement dit, l’union fait la force. Cette maxime est extraite de la Bible (livre de l’Ecclésiaste, Eccl 4, 12). Elle exprime la recherche de l’unité et de la solidarité dans la société. Cette confrérie était de fait une œuvre charitable. Notre Dame nous convie donc à la charité. Notons que c’est en mémoire de ce « triple brin » de solidarité que l’on a coutume d’allumer sur la Place du Centre de Guingamp trois tantad (feux de joie le samedi soir du pardon, au terme de la grande procession).

            Pour mieux connaître cette confrérie, on pourra lire à la fin de cet article un passage de l’Histoire de Guingamp, livre écrit au XIXe siècle par Sigismond Ropartz.

Devise de la Frairie Blanche - Guingamp

 Un pèlerinage

3) C’est un pèlerinage : les fidèles, parfois mus par une demande précise de santé ou d’aide divine dans quelque affaire, viennent aussi se ressourcer spirituellement. Ceci est symbolisé par le « labyrinthe » situé dans le porche de la Vierge, permettant de faire un pèlerinage votif (en forme de vœu). Le chrétien est en marche vers la patrie du Ciel. De nombreuses personnes n’ont pas encore trouvé Dieu, mais le cherchent patiemment. Ces personnes sont aussi en pèlerinage.

procession

Labyrinthe de la basilique

Vrai Secours, Gwir sikour

4) « Bon secours » : les cahiers d’intentions dans lesquels les pèlerins consignent leurs demandes adressées à Marie témoignent de bien des souffrances physiques, psychiques, morales, spirituelles. Marie recueille les supplications des pauvres que nous sommes, et intercède auprès de son Fils, comme à Cana, tout en nous disant : « Faites tout ce qu’il vous dira ». Marie, refuge des pécheurs, des malades, de tous ceux, toutes celles qui se confient à la Mère de Miséricorde.

Statue ND de Bon-Secours - Guingamp

Dans notre histoire

L’histoire de la ville de Guingamp est haute en couleurs, en péripéties. Ses murailles ont été bâties, détruites, rebâties, à nouveau détruites… Guingamp et sa région ont été le théâtre de bien des vicissitudes au cours des siècles. Des personnages illustres, tels le bienheureux Charles de Blois ou encore la bienheureuse Françoise d’Amboise ont eu une dévotion à la Vierge de Guingamp. La Duchesse Anne de Bretagne y est venue en 1505… Mais aux époques troubles, avec des guerres fréquentes, c’est le bon peuple qui a dû plus d’une fois implorer Notre Dame, an Itron Varia. La Vierge du Bon Secours a régné sur les cœurs d’une grande partie des bretons, bien au-delà du Trégor. Vandalisée lors de la Révolution, la statue de la Vierge dite noire (celle qui est exposée aux fidèles dans le porche) a retrouvé sa place à l’entrée de la basilique et dans le cœur des guingampais. Un important lycée catholique porte le nom de Notre Dame, l’éducation étant une mission des familles et de l’Église. Toute une région a vécu, et vit encore au moins en partie, au rythme des fêtes mariales dont la principale, en notre région, est le pardon de Guingamp, avec les messes, les vêpres, la prière pour les malades, les chants bretons, la procession, le triple tantad, et bien sûr la fête foraine avec ses manèges et son ambiance.

Sur le site internet du Patrimoine de Guingamp, un article de Jean-Paul Rolland est consacré au vœu que firent les Guingampais en 1870, et qu’illustre un vitrail de la basilique. Lors de la guerre de 1870, les Guingampais firent un vœu à la Vierge pour conjurer l’invasion prussienne (le « vœu de la guerre »), vœu qui fut renouvelé en août 1944 au moment de la libération de Guingamp. Voilà encore un lien historique entre Notre Dame de Bon Secours et la vie quotidienne des Guingampais !

https://patrimoine-guingamp.net/la-ville/notre-dame-de-bon-secours/vitrail-de-la-guerre-de-1870/

       plaqueJPG    

Ces vicissitudes, ces drames, ces joies aussi lorsque la prière était exaucée, c’est notre vie de chaque instant, c’est l’histoire de nos ancêtres et la nôtre.

Notre-Dame de Bon Secours Gravure ancienne

Conclusion : que l’intimité avec Marie mène à la charité en actes

En ce XXIe siècle, alors que la foi chrétienne s’exprime moins par de grands rassemblements et se vit davantage  sous une forme intériorisée, personnelle, voire informelle et sans référence à l’Église-institution, nous constatons que le porche de Notre-Dame de Bon-Secours demeure le lieu de prière d’une quantité de personnes qui viennent se recueillir à leur convenance. Il en est qui confient leurs intentions au cahier mis à leur disposition, et ensuite allument un cierge ou un lumignon qui, devant la statue de la Vierge « noire », prolongera ce temps d’intimité avec la Mère de Jésus. D’autres prient dans le secret de leur cœur, où Dieu est présent. D’autres encore s’assoient pour une petite halte, un instant de répit dans le stress quotidien, se disant peut-être comme le psalmiste (ps. 61): « En Dieu seul mon âme se repose ».

Cet article pourrait aider les uns et les autres dans leur approche d’une intériorité inspirée par la Parole de Dieu et par l’expérience de l’Église. Pour nous résumer : Marie est la Mère de Jésus, Fils de Dieu. C’est vers Jésus qu’elle conduit les pèlerins que nous sommes. Et Jésus nous invite à aimer le Père, ainsi qu’à aimer notre prochain en une même charité. Saint Paul nous dit : « votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tienne bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. » 1 Tes, 1,2-10). Oui, il existe une quantité de façons d’aimer et d’aider les autres, dans une association caritative ou par des initiatives personnelles. Notre-Dame de Bon-Secours peut nous aider à faire en sorte que notre charité se fasse inventive ! La prière ne doit pas nous déconnecter de l’amour du prochain.

 

Nous proposons à présent une prière à Notre Dame de Bon Secours, due à Mgr Lebrun, archevêque de Rouen, ville qui voue également un culte à Marie sous cette appellation chère aux Guingampais.

Prière de à Notre Dame de Bon Secours

Sainte Vierge Marie, servante du Seigneur,

Mère de Dieu, notre Reine,

Notre Dame d Bon Secours, nous voici devant toi

Pour te prier avec confiance.

Ouvre nos cœurs au souffle de l’Esprit Saint.

Conduis-nous à Jésus,

Rends-nous disponibles à sa Parole.

Apprends-nous à servir nos frères.

Soutiens les familles ; veille sur les jeunes.

Viens au secours des pauvres.

Donne l’espoir aux malades.

Prie pour les pécheurs.

 

(Prière de Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen)

 

Documents complémentaires

 

1 – Vers bretons

 

Lors des fêtes du Couronnement de la Vierge, le 8 septembre 1857, des poèmes en français et en breton furent lus au cours des cérémonies officielles. Voici la dernière strophe d’un poème en breton, signé « K… » (probablement l’abbé Michel Caris, Barz Mene-Bre, Barde du Ménez-Bré, né à Plestin en 1817, décédé dans cette même ville en 1864). Titre : Ar gurunen aour digant ar Pab evit Itron Varia-wir-zikour (La couronne d’or donnée par le Pape pour N-D de Bon Secours). Nous avons gardé l’orthographe d’origine. Ce poème en breton se trouve édité, avec deux autres d’auteurs différents, dans le livre de Sigismond Ropartz : Fêtes du Couronnement de Notre-Dame de Bon-Secours, Guingamp 1857, chez Périssé, libraire.

 

O rouanez eled ann envo,

Nin ho kemer ‘vit rouanez.

Pedit, pedit ‘vit hon eneo :

War ho pugale bet evez.

Ra zistroio d’ar gwir binijen

Ar bec’herien glac’har Doue ;

Ha ra gaerao ho kurunen

Ar zantelez euz hor bue.

 

Traduction de l’auteur :

O Reine des Anges dans les Cieux,

Nous vous prenons ici-bas pour notre Reine.

Priez, priez pour nos âmes,

Et veillez sur vos enfants.

Faites qu’ils viennent à un vrai repentir

Ces pécheurs qui contristent Dieu,

Et que votre couronne soit embellie

Par la sainteté de nos vies.

 

2 – la Frérie Blanche.

Voici ce qu’écrit Sigismond Ropartz, historien guingampais du XIXe siècle, au sujet de cette pieuse confrérie.

« Le Pardon de Guingamp, dont je trouve la plus ancienne mention dans le compte des bourgeois pour l’année 1547, emprunte, sinon son origine, au moins sa splendeur, à la Frérie Blanche, pieuse association dont les humbles commencements, comme ceux de presque toutes les œuvres que Dieu bénit, vont se perdre dans un passé où l’œil du chroniqueur s’égare.

Mais s’il est impossible de dire l’histoire de la confrérie depuis sa fondation jusqu’au XVe siècle, il est facile d’en exposer la patriotique et chrétienne intention. Sa devise, écrite en lettres d’or sur sa blanche bannière, étalait aux regards la traduction bretonne d’un texte divin : Fun trineud a vec’h ez torrer : un triple câble n’est pas facile à rompre. Ce triple câble, c’était l’emblême des trois ordres, le clergé, la noblesse et le peuple, dont l’union fraternelle faisait seule la force de cette chère et héroïque Bretagne, que le fer étranger trouvait impénétrable comme son granit. Le fondateur inconnu de la Frérie Blanche voulait que les membres de chacun des ordres vissent, dans les membres des deux autres, non seulement des compatriotes, mais des frères : c’était la plus haute inspiration du patriotisme fécondé par la religion.

Les statuts de la confrérie étaient fort simples. Il y avait une assemblée annuelle où tous les membres devaient assister ; ils entendaient ensemble la messe et faisaient en corps la procession ; on avisait aux moyens de mettre fin aux différends et aux mésintelligences qui auraient pu s’élever parmi les confrères pendant l’année, et de resserrer les liens qui unissaient les trois ordres ; on procédait au renouvellement des abbés, l’un ecclésiastique, l’autre laïque, qui se prenaient alternativement dans les rangs de la noblesse et du tiers ; on inscrivait les noms des nouveaux adeptes, et l’assemblée se séparait après avoir signé le registre des délibérations.

L’abbé-prêtre devait dire, tous les lundis de l’année, la messe pour les confrères, et célébrer fidèlement un service pour chaque mort.

Le troisième jour de la fête patronale, il y avait un banquet où venaient s’asseoir, l’un près de l’autre, sans distinction d’ordre et de rangs, tous les confrères. »

La Frérie Blanche était « canoniquement érigée sous l’invocation de la glorieuse Vierge Marie » (Paul V, bulle du 18 avril 1619) et ses membres devaient prier « pour la conservation de la paix entre les princes chrétiens ; [donner] l’hospitalité aux pauvres pèlerins ; [faire] la paix avec leurs ennemis et [la procurer] à d’autres ; [ramener] enfin, doucement, dans la voie du salut, quelques malheureux égarés. » (Ibid.)

Des indulgences furent accordées aux pèlerins, ce qui rendit « célèbre dans toute la province le sanctuaire de Notre-Dame. »

Puis au fil du temps cette frérie disparut, jusqu’au 8 septembre 1857, immense fête qui attira des milliers de pèlerins à la basilique : ce jour-là, l’évêque de Saint-Brieuc « posait solennellement sur le front de Notre Dame de Bon Secours, la couronne d’or, suprême hommage rendu par le Souverain Pontife à la Patronne de la Bretagne ». À cette occasion, en mémoire de la Frérie Blanche, on créa une « confrérie de Notre Dame de Bon Secours. »

(Sigismond Ropartz, Histoire de Guingamp, L. Prud’homme-A. Durand. Tome premier, deuxième édition, 1859 p. 2-4).

Devise de Guingamp

Voilà un bref et incomplet panorama de la spiritualité de Notre-Dame de Bon Secours. Merci à Jacques Duchemin pour le prêt des documents (parfois peu connus) qui illustrent notre propos.

NB : nous sommes heureux de pouvoir publier à nouveau, à l’approche du Pardon de Notre-Dame de Bon Secours, cet article qui figurait dans notre ancien site web

Jef Philippe

Plaque de rue Roland Tostivint

 

Défilement vers le haut